Historique

Le savez-vous?

La langue traditionnelle de notre canton est le patois vaudois. Il s’agit plus précisément d’un ensemble de parlers régionaux appartenant à un même groupe linguistique d’origine latine: le francoprovençal.

C’est aux alentours du VIe siècle que le latin parlé sur le territoire de l’ancienne Gaule commence à se morceler en quatre zones linguistiques qui deviennent petit à petit autonomes. On vit émerger au sud de ce domaine le groupe linguistique d’oc et le gascon, au nord le groupe linguistique d’oïl (auquel appartiennent le français et les parlers du Jura suisse) et à l’est le francoprovençal.

Ce dernier domaine s’étend sur trois pays actuels – la France (le Forez, le Lyonnais, la Savoie, la partie méridionale du Jura français), l’Italie (la Vallée d’Aoste et quelques vallées piémontaises) et la Suisse (les cantons romands, excepté le Jura).

Avant son abandon progressif dès la fin du XVIIIe siècle, le patois vaudois était parlé par toutes les couches de la population. L’industrialisation, le brassage de la population et son manque de prestige ont contribué à son déclin. En effet, l’idéologie linguistique de la France, qui s’affirme après la Révolution française, a fortement influencé la Suisse romande. On vise alors à anéantir l’usage des patois, jugés à tort comme des corruptions du français, au profit du français, considéré comme la langue de l’avenir, du progrès et de la culture.

Ainsi en 1806, le patois vaudois est interdit à l’école et les parents cessent peu à peu de le transmettre à leurs enfants. Cependant, certaines régions du canton de Vaud vont maintenir plus longtemps l’usage du patois. C’est notamment le cas du parler du Jorat, en usage dans les hauts de Lausanne.

C’est alors que des pasteurs, des instituteurs et quelques personnes lucides ont ressenti le besoin de l’écrire, pour que le langage des anciens ne disparaisse pas complètement.

Actuellement, ceux qui savent encore parler le patois sont rares, mais, ça et là, des amoureux de notre ancienne langue s’appliquent à l’écrire.

Nous assistons à un besoin de retour aux sources, à une recherche d’identité. Le patois est un pont entre nos racines et le présent.

Prestige du français

Déjà à l’époque savoyarde de l’histoire du Pays de Vaud, le français devint prestigieux parmi les nobles et les lettrés (Othon de Grandson -1340 à 1397- le premier poète vaudois écrivait en français), tandis que le patois (on l’appelait roman à l’époque) restait la langue parlée.

La Réforme imposée par l’occupation bernoise (1536) vint accélérer le processus parce que la langue d’église et de cour, qui était jusqu’alors le latin, fut remplacée par le français, la Bible traduite en français, et les nombreux réfugiés du sud de la France, vraisemblablement occitans (langue d’Oc) ont eu besoin du français pour se faire comprendre.

La Révolution Vaudoise qui libéra le Pays de Vaud de la domination bernoise se fit avec l’aide de la France, et le prestige de la langue française en fut encore augmenté.

En 1806, l’usage du patois fut donc interdit dans les écoles vaudoises:
par l’Arrêté du Petit Conseil du canton de Vaud, du 26 octobre 1806, article 29, au Titre III.

Tiré du livre : « Le Patois vaudois, grammaire et vocabulaire » de J.Reymond et M. Bossard.

Défense et préservation du patois

Si de nos jours nous pouvons lire et entendre du patois, si nous pouvons apprendre à le parler c’est grâce à eux…
Quelques années après, en 1818, Philippe Bridel, dit le doyen Bridel, pasteur à Château d’Oex, puis à Montreux jusqu’à la fin de sa vie en 1845, opposé à la Révolution Vaudoise parlait du patois vaudois en ces termes :

“La langue du gouvernement, de la chaire, du barreau et de l’instruction publique est la française. On la parle purement, quoique avec un accent traînant, à Lausanne et dans nos autres villes, et tous les habitants de la campagne la comprennent et s’en servent au besoin. Mais dans leur vie domestique et entr’eux, les paysans employent le patois qu’ils appellent Roman ou Reman : cet idiome antérieur chez nous au Français peut être regardé comme une langue ; car il a ses règles générales dont il serait aisé de faire une Grammaire. Il varie, il est vrai, d’un lieu à l’autre ; l’habitant des Alpes ne s’entend pas facilement avec celui du Jura, et le dialecte des bords du Léman diffère de celui des bords du lac de Morat, quoique le fond soit le même. Les parties du pays où il est le moins mêlé avec des mots français sont les districts arrosés par la Broye. Oron, Moudon, Payerne et Avenches parce qu’ils sont des frontières du Canton de Fribourg où le vieux patois s’est conservé sans altération.”

Essai statistique du canton de Vaud, Par Philippe Bridel, pasteur de Montreux, 1818

C’est le doyen Bridel aussi qui travailla de nombreuses années sur le Glossaire du patois de la Suisse romande, à la requête de la Société celtique de France. Il mourut avant d’avoir pu faire paraître son travail. Cette œuvre aurait dû concerner toute la Suisse romande, mais elle s’est limitée finalement aux cantons du Valais, Fribourg et Vaud et donne des informations moins complètes sur les cantons de Genève, du Jura bernois et de Neuchâtel. C’est Louis Favrat, un autre grand “mainteneur” du patois, qui a été chargé de réviser et de terminer l’œuvre de Bridel, à la demande de la Société d’Histoire qui l’a publiée en 1866.
​(elle a été rééditée par les éditions Slatkine en 1984, de même que l’Essai Statistique en 1978).

En savoir plus sur les mainteneurs

Le Glossaire des Patois de Suisse Romande

Louis Gauchat et le  Glossaire des patois de la Suisse romande

Louis Gauchat, linguiste neuchâtelois, après avoir étudié le patois de la commune fribourgeoise de Dompierre, décide de créer un institut en vue de la publication d’un glossaire vaste et complet des patois romands. Il réussit à enthousiasmer les instances politiques fédérales et cantonales pour recevoir des subventions, et l’institut fut créé en 1899.
Le premier fascicule, résultat de ses récoltes de nombreuses variantes de patois encore utilisées, parut en 1924.
L’institut du Glossaire des patois de la Suisse romande (GPSR) continue sa recherche, depuis 1997, administrativement gérée par la Conférence Intercantonale de l’Instruction Publique (CIIP).

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